Nous sommes à une période charnière, une époque de transition, entre un hier parfois idéalisé et un demain indéterminé. Cette situation s'apparente à l'oeuvre de William Faulkner, à cette ambiance et cette époque qui précèdent la chute de toute la famille Compson, entre « le bruit et la fureur ». L'héritage de nos nations européennes est riche, mais il entrave voire paralyse toute mise en mouvement. Chaque individu sait, au fond de lui, que les choses doivent évoluer mais la peur est telle que chacun agit pour que la perte touche l'autre plutôt que lui.
Le terme « souveraineté » est dans toutes les bouches. Il est dressé tel un étendard expiatoire et masque une disparité de conceptions. Pour certains, la souveraineté correspond à la volonté de survivance d'un système d'agriculture familial fantasmé d'où ré-émerge un néoesclavagisme dans lequel la famille endettée est asservie à la terre et contraint ses enfants à y oeuvrer. Pour d'autres, la souveraineté est synonyme d'une poursuite et du renforcement d'un système de production agricole, plutôt industriel et technologique, hyperperformant à court et moyen terme, mais condamné, en fin de compte, à la disparition des ressources importées (énergie, produits pétroliers, machines, eau...). Et pour d'autres, la souveraineté s'apparente à un système d'agriculture idéalisé tenant plus de la théorie que de la réalité et qui nie la nécessaire étude de faisabilité des principes avancés ; ces derniers confondent coopération et compétition au niveau de l'Union européenne, itinéraires culturaux et jeux participatifs, envie et acte d'achat.