La menace des espèces invasives
Plusieurs interventions sont revenues sur le risque que fait courir pour l'agriculture, notamment pour les cultures fruitières et légumières, l'introduction d'espèces d'insectes exotiques envahissantes, potentiellement nuisibles pour les cultures. Les auteurs ont mis en exergue les facteurs contribuant à ces introductions : augmentation des échanges et des déplacements humains, impact du changement climatique et du réchauffement global. À plusieurs reprises, il a été mentionné le lien entre l'augmentation des échanges et celle du risque d'introduction de nouvelles espèces nuisibles. D'après Alain Roques (INRAe) ce sont principalement les insectes phytophages qui sont concernés, avec, depuis quelques années, une augmentation des insectes xylophages et donc une plus forte menace sur le milieu forestier. Jean-Claude Streito (INRAe) détaille les résultats de l'étude menée sur les espèces envahissantes en agriculture de 1950 à 2020. Ce travail se focalise sur les espèces de ravageurs d'intérêts agronomiques et établies sur le territoire français. Sur un total de 2 200 espèces de ravageurs, 233 espèces d'insectes exotiques ont été introduites sur cette période et la plupart de ces introductions ont eu lieu après 2000 ; ce qui équivaut à l'émergence de 70 nouveaux ravageurs tous les 10 ans. Les hémiptères et les coléoptères représentent plus de 70 % des taxons introduits, provenant essentiellement d'Asie, des États-Unis d'Amérique et d'Australie. La période la plus critique sur le plan des introductions de nuisibles est la période 2005-2014, avec des ravageurs très problématiques comme Drosophila suzukii, Halyomorpha halys, Tuta absoluta et Dryocosmus kuriphilus. Le chercheur souligne également que de nombreuses espèces à risque sont présentes à nos frontières : Epitrix pour les pommes de terre ainsi que Popillia japonica et Spodoptera frugiperda pour les cultures légumières.
Les acteurs de la prévention du risque d'introduction
Face à ce constat, des actions sont conduites à différentes échelles. Sarah Brunel (FAO) a présenté les actions de la Convention Internationale pour la Protection des Plantes (CIPV). Mise en place dans les années 1960, la CIPV établit des normes internationales pour la santé des végétaux. Une de ses actions est d'assurer des échanges internationaux sûrs et de limiter les risques d'introduction d'espèces exotiques. Pour cela, la CIPV propose des normes internationales et des lignes directrices à l'attention des états pour mettre en oeuvre ces normes. Par exemple le travail réalisé sur Spodoptera frugiperda, espèce hautement invasive, cible 21 pays à risque dont la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Toujours à une échelle internationale, Nico Horn (OEPP) a expliqué les actions de l'Organisation européenne et méditerranéenne pour la protection des plantes (OEPP) pour limiter les risques d'introduction en Europe d'espèces d'insectes exotiques, avec la création de listes d'alerte revues annuellement, des analyses de risque phytosanitaire et des actions de recommandations pour la réglementation phytosanitaire auprès des pays concernés. Il rappelle l'importance du partage de l'information entre les membres de l'OEPP pour conforter les bases de données et mieux évaluer les risques. Sur le plan national, Philippe Raynaud décrit le rôle de l'ANSES dans la gestion des espèces nuisibles introduites. Il présente l'implication des laboratoires de la santé des végétaux (LSV) et de l'agence dans le développement de méthodes d'identification génériques des organismes à risque (ravageurs exotiques), les missions de confirmation des diagnostics, ainsi que la contribution au développement des protocoles de diagnostic avec l'OEPP. Ces actions participent à l'identification et au suivi des espèces exotiques sur le territoire. Le CTIFL relaie ces travaux sous la forme de notes de synthèse (H. halys, Bactrocera dorsalis) [1], [2].