Mise en oeuvre au sein de la filière
Au travers de vidéos, Thierry Caquet, directeur scientifique Environnement à l'INRAe, Sylvaine Simon et Mireille Navarrete, respectivement ingénieur à l'INRAe, à Gotheron (Drôme), et chercheuse à l'INRAe, à Avignon, ont précisé ce qu'est l'agroécologie et ses implications possibles pour la filière fruits et légumes. Thierry Caquet a posé les éléments de définition suivants, « être capable de mobiliser les connaissances actuelles sur les services qui régissent les relations positives entre les différentes espèces pour les mettre au service de la production agricole ». Dans le quotidien des acteurs, la démarche agroécologique implique des réalités très diverses. Pour Mireille Navarrete, cela suppose « d'être capable de produire des fruits et légumes sûrement un peu différents (calibre, couleur, maturité différente), avec une temporalité de disponibilité (homogénéité des lots, volume suffisant) sûrement un peu différente, mais qui répondent à l'attente de 'produit sain' du consommateur et surtout qui rémunèrent l'ensemble des acteurs de la filière, dont les producteurs ». L'enjeu est donc d'arriver à valoriser la manière dont sont produits ces fruits et légumes et de déclencher chez le consommateur un acte volontaire d'achat.
Sylvaine Simon et Mireille Navarrete, en s'appuyant sur un dispositif exploratoire de verger circulaire qui maximise les régulations écologiques pour produire sans pesticides (projet DEPHY EXPE ALTO), ont illustré cette définition. Pour limiter le développement des maladies et ravageurs, la démarche a consisté à associer une diversité d'espèces productives et de service, en vue de défavoriser l'installation et la dispersion de ces bioagresseurs et de favoriser une biodiversité fonctionnelle riche et durable. Cela suppose une conception différente du système de production (reconception) avec une organisation spatiale d'une grande diversité d'espèces, de variétés cultivées et de plantes de service, l'association de couverts végétaux et d'infrastructures complémentaires (e.g. mare, nichoirs, amas de pierre, tas de branches) qui fournissent habitats et ressources à un ensemble de prédateurs utiles au fonctionnement équilibré du système. La conception et le pilotage de ce verger exploratoire s'appuient sur un collectif de nombreux acteurs de terrain car les interactions à étudier sont nombreuses : à la fois interplantes et mais également interactions entre plantes et pratiques agricoles mises en oeuvre. De nombreux arbitrages dans ces choix sont à rechercher pour répondre aux objectifs posés. L'une des difficultés vient du compromis à trouver entre deux enjeux souvent contradictoires : maximiser les services écologiques qui permettraient de se passer de pesticides, et répondre à un certain nombre d'attentes en matière de temps de travail, d'organisation opérationnelle et de valorisation économique. Par ailleurs, ces décisions sont prises pour une certaine durée car elles s'appliquent à des cultures pérennes, ce qui complique la prise de décision. Cette approche de diversification globale se pose également pour la filière légumes, avec des associations diversifiées en espèces à la fois dans l'espace et dans le temps.