Une épidémiologie et des stratégies de lutte connues mais insuffisantes
Comment protéger les vergers vis-à-vis des phytoplasmes et plus particulièrement contre l'enroulement chlorotique de l'abricotier (ECA) ? Les nombreux travaux réalisés par des équipes de recherche permettent de mieux comprendre l'épidémiologie de la maladie de l'ECA, qui est présente dans tous les bassins de production de Prunus européens. La lutte ciblée contre les psylles à partir du printemps est aujourd'hui un levier d'action efficace, mais limité car elle dépend de produits phytopharmaceutiques homologués. De plus, le manque d'alternative efficace aux traitements chimiques rend cette voie de lutte incertaine en agriculture biologique. Aucun moyen de lutte directe n'est disponible à ce jour contre les phytoplasmes. Si la principale voie de lutte actuelle reste la prophylaxie et la production sécurisée de plants, le recours à des espèces ou à des cultivars peu sensibles semble pertinent pour la gestion de la maladie au niveau territorial.
Les symptômes exprimés à la suite d'une infection par un phytoplasme, c'est-à-dire l'expression visible des conséquences de la maladie, sont directement liés à la physiologie de l'arbre. En effet, la multiplication des phytoplasmes au sein des tissus du phloème entraîne des conséquences diverses : au niveau cellulaire, les phytoplasmes engendrent l'obstruction des vaisseaux et donc des défauts d'alimentation des tissus et, au niveau physiologique, ils induisent une modification du pH ou des taux de sucres dans la sève qui peuvent à leur tour déclencher une sénescence ou un dépérissement. Les synthèses hormonales et les voies de défense de la plante sont également impactées, avec des conséquences locales ou systémiques 6. Outre la réponse de l'hôte, les facteurs impliqués dans la multiplication du phytoplasme dans la plante sont liés à la génétique du phytoplasme et aux conditions pédoclimatiques 7. Ainsi, selon ces différents facteurs, l'infection par un phytoplasme peut, dans certaines conditions, conduire à une colonisation rapide et à une expression de symptômes marqués, et, dans d'autres cas, ne pas permettre un développement généralisé du phytoplasme dans la plante et aboutir à un effet de latence des symptômes. C'est ce qui est observé en verger, avec une rapidité d'expression des symptômes très variable. Si tous les Prunus peuvent être infectés par le phytoplasme spécifique, Candidatus Phytoplasma prunorum (CaPprunorum) et donc permettre le maintien d'une source de contamination dans le verger, les symptômes diffèrent selon les espèces Prunus concernées, les cultivars et les modes de conduite. Certains cultivars vont entraîner des débourrements anticipés ou des enroulements prononcés des feuilles quelques mois après l'infection alors que, pour d'autres cultivars, un dépérissement beaucoup plus lent se met en place et ne sera constaté que plusieurs années plus tard. C'est ce qui est constaté sur abricotier (Prunus armeniaca) et sur prunier américano-asiatique (Prunus salicina) pour lesquels les niveaux de sensibilité apparents en verger sont très variables, les symptômes pouvant localement être très peu visibles ou pouvant engendrer des pertes de rendements et des dépérissements importants et rapides 7. Pour l'abricotier, cette pluralité d'expression de symptômes avec un effet important des conditions pédoclimatiques a pu être observée par l'analyse de plusieurs années de suivis visuels et avec des enquêtes auprès des producteurs de la région Auvergne-Rhône-Alpes 8. Concernant les prunes domestiques (Prunus domestica), s'il est généralement admis que cette espèce exprime peu de symptômes en verger, la multiplication du phytoplasme est bien possible et les conséquences peuvent être importantes notamment pour certains cultivars apparentés à la prune d'Ente 9. De plus, des arbres de cette espèce sont régulièrement diagnostiqués infectés par le phytoplasme par des tests de laboratoire ou des tests biologiques.